Depuis le début de la semaine, mon fil Twitter et mon mur facebook sont le lieu de débats enflammés, d’envolées lyriques et de commentaires acerbes sur ce sujet qui intéresse bon nombre de technophiles africains :

La nationalité des produits de la firme congolaise VMK . 

Pour résumer :

  • Pour les uns, les spécifications techniques et les designs de ces deux produits sont incontestablement le fruit de la réflexion d’une équipe congolaise. De ce point de vue, la tablette VMK et le smartphone Elikia sont africains ! ( d’aucun diraient congolais de la république démocratique du Congo );
  • « Mais non, vous n’y connaissez rien… », disent les autres. Pour ces derniers, VMK ayant confié la production à un partenaire (d’aucun diraient sous traitant) chinois, cette société est donc un simple importateur de téléphones chinois. Du coup, la tablette VMK est une tablette chinoise, Elikia un smartphone chinois. Rien d’africain dans cette histoire, Sauf ce vil imposteur de VMK .

Pour moi, tout ceci est relatif. Du coup, pour les deux camps, mon point de vue sur la situation est totalement anecdotique. Tant pis, je l’expose quand même .

Premièrement , le fait d’être conçu localement et produit ailleurs n’a pas de rôle déterminant dans le caractère ‘africain’ d’un téléphone ou d’une tablette. Il faut envisager la question sous un nouvel angle.

En ce qui me concerne, le caractère ‘africain’ d’un téléphone ou d’une tablette se résume à 3 caractéristiques essentielles. Un smartphone ou une tablette dite africaine se doit :

  1. d’avoir une résistance aux chocs et une autonomie hors du commun. Sans tomber dans la caricature, je vois mal un iPhone, un Galaxy S4 ou un Blackberry Z10 passer la semaine dans nos campagnes. Il aura vite fait de perdre son lustre, son écran sera rayé et son autonomie.
  2. d’être disponible à un prix compétitif : Les écarts de revenus étant ce qu’ils sont ici, tout le monde n’a pas les moyens de s’acheter un iPhone ou un Blackberry. Mais on trouve des téléphones propulsés par Android à 20 000 FCFA.
  3. d’être capable de gérer 2 , voire 3 cartes sims : parce que tout le monde en Afrique a deux numéros de téléphone, pour profiter des avantages offerts par les opérateurs de téléphone mobile.

De ce point de vue, un smartphone ‘africain’ est un smartphone adapté à nos réalités et conditions de vie . Tout comme un smartphone ‘canadien’ devrait permettre d’utiliser l’écran tactile sans devoir enlever ses moufles, et accessoirement, se geler les doigts (souvenir douloureux de mon premier hiver canadien). Donc certains téléphones dit ‘chintoques’ propulsés par Android sont Africains, sénégalais, béninois, ivoiriens . Ils disponibles à une somme plus que modique, peut importe le nombre de fois que vous les ferez tomber, ils continueront à remplir leur office comme au premier jour et ils vous permettront d’utiliser 2 ou cartes sims à la fois. Sans compter que la puissance de leurs hauts parleurs vous permettra d’être le roi de la fête . Ou « le-voisin-dont-le-portable-réveille-tout-le-quartier »,c’est selon.

Elikia et la tablette VMK remplissent ce qu’il convient de nommer les ‘3 critères du built for Africa ?’. De vous à moi, je n’en sais trop rien, étant donné qu’aucun de ceux et celles qui ont pu être en contact avec ces 2 produits sur les bords de la lagune ébrié n’ont fait de tests .

Mais passons. Il est un fait que personne ne saurait discuter : le bassin du Kivu, en République Démocratique du Congo, est producteur de Coltan, un minérai essentiel pour les téléphones. Par conséquent, Apple, Samsung, HTC et j’en passe… tous les smartphones ont un peu d’Afrique en eux. Oui, VMK est africain, mon Galaxy Pocket est africain, ton iPhone est africain.

Bon, peut être là, que j’exagère un peu, le Congo n’étant plus vraiment le premier producteur mondial de Coltan (source: Hoaxbuster). Mais c’est là une façon pour moi de forcer le trait pour aller dans le sens de toute cette agitation, toute cette passion autour de ce qui n’est, finalement, qu’un téléphone.

Que personne n’a testé. Du moins à Abidjan.

D’ailleurs, bon nombre d’abidjanais défendent Elikia , VMK depuis le clavier virtuel de leur iPhone, de leur Blackberry ou de leur Samsung (je ne critique pas, je ne fais que souligner un paradoxe).

Et beaucoup (y compris moi) en parlent sans l’avoir jamais vu, ni touché. En effet, au risque de me répéter, la tablette VMK et le smartphone Elikia ont bel et bien séjourné sur les bords de la lagune ébrié, mais en dehors de vidéos enflammées, de posts facebook dithyrambiques et de tweets passionnés de quelques geeks et happy few, rien n’a filtré sur la réelle valeur du produit.

Bon, admettons, il y a bien eu quelques photos de la bête ça et là, mais rien à se mettre sous la dent en ce qui concerne les tests, la démonstration des capacités des produits dans l’environnement Abidjanais ( par exemple, j’aurais bien voulu savoir la qualité des photos prises avec Elikia) . Autrement dit, pour nous autres qui étions à la recherche d’un nouveau smartphone, rien. C’est donc en toute discrétion que la tablette VMK et Elikia ont repris le chemin de leur Congo natal, nous laissant avec un concept de ‘Smartphone Africain’, sans rien de tangible pour pouvoir le défendre, le soutenir ou, pour les plus raisonnables d’entre nous, voir si l’heure était arrivée de laisser tomber Samsung, Blackberry ou Apple pour consommer Africain.

En gros, personne n’a fait de test, ni de chronique, en dépit du fait que tout ce beau monde a des blogs et des sites web. Mais passons, on est, somme toute, à fond dans le domaine du relatif ici. On a défendu VMK et on continue à défendre Elikia comme on soutient le grand frère ou cet homme politique de notre ethnie qui se présente à une élection : sans prendre le temps de connaître le fond de son programme.

Bref, vous l’aurez compris, il ne faut pas vraiment compter sur Jean Luc Houédanou pour défendre Elika, VMK ou tout autre produit dont il n’a pas lu les tests.

Par contre, je veux bien défendre l’idée derrière Elikia et la tablette VMK : j’espère qu’une fois le buzz retombé, les pro-vmk et les autres prendront le temps de considérer les choses tranquillement et de se rappeler leur première réaction lorsqu’ils ont appris qu’un congolais de 25 ans du nom Veron Mankou a créé un ‘smartphone’ :

« je n’aurais jamais cru ceci possible . L’Afrique avance ».

VMK a envoyé un message positif à l’encontre ceux et celles qui hésitent à se lancer sur le marché avec une idée novatrice et, donc du fait même considérée comme folle – esprit africain oblige .

N’hésitez pas à oser.

NB : ceci ne vous dispense nullement de faire une étude de marché pour vérifier le bien fondé de votre idée.

Je ne suis certainement pas le plus objectif des juges dans cette situation. Oui je l’avoue, contrairement à ce que j’ai pu écrire plus tôt, à ce niveau, ma fibre pro-africaine passe avant ma raison.

Ou peut être que je m’identifie un peu à cette startup africaine qui, du fait qu’elle évolue dans un domaine réservé aux grands groupes occidentaux, fait figure de lilliputien face à Gulliver, Gargantua et Goliath.

Il serait temps de la laisser grandir un peu.

 

Jean Luc Houédanou